Le site de Burgast - septembre 2016

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En 2015, nous avions fouillé 8 sépultures qui avaient été initialement considérées comme des VI-Xe siècle mais qui se sont révélées être plus anciennes de plusieurs centaines d’années. L’absence de chevaux associés aux corps humains, les quelques artefacts indiquaient qu’il ne s’agissait pas de tombes Türks ; la datation radiocarbone de la strcuture n° 3 révélait que la tombe avait été creusée au début du IIe siècle – milieu IIIe siècle ou à la fin du IIIe – tout début IVe siècle AD (2 sigma de Cal AD 130 to 255 (Cal BP 1820 to 1695) and Cal AD 295 to 320 (Cal BP 1655 to 1630) – Beta – 419315)). Or cette période est méconnue dans l’Altaï et particulièrement dans l’Altaï mongol puisque aucun site de cette époque n’a jusqu’alors été fouillé.
Une des particularités des travaux archéologiques menés dans la région d’étude est qu’ils ont permis la découverte de nombreux sites du deuxième âge du Fer, essentiellement représentés par des tombes de la culture de Pazyryk, et une multitude de monuments et tombes Türks, mais l’occupation humaine entre ces deux bornes est inconnue. Seuls deux ensembles funéraires Xiongnu (non fouillés) sont connus pour le Sum de Bayan-Olgii et jusqu’à l’an dernier, aucune tombe n’avait été identifiée comme pouvant appartenir à une culture contemporaine de cette période blanche située entre le IIIe siècle BC et le Ve AD. Cette année a été l’occasion de poursuivre nos travaux sur cette période en mettant au jour 16 tombes livrant en outre des vestiges organiques (bois et tissus) de premier ordre.
Les quelques éléments de parure et les dates permettent d’attribuer les vestiges à une période mal décrite, mal connue, mal comprise encore. Cette culture pourrait être attribuée à la culture Xianbei, culture venant de Chine du Nord-Est et qui s’est développée en plaine centrale chinoise entre la Dynastie Han (200 BC-220 AD) et la Dynastie Sui (581 – 618 AD) et qui s’est imposée par la force dans les steppes mongoles face aux aux Hunnus. Mais les découvertes du côté russe de la frontière, dans la même vallée que celle sur laquelle nous avons travaillé depuis 3 ans, permet de mettre en relation nos trouvailles avec l’un des sites les plus représentatifs de l’époque Hun-Sarmatian de Gorny Altai à savoir le cimetière de Kurayka, situé sur la rive droite du lit de la rivière du même nom se situe dans le district de Kurai Kosh-Agach de la République d’Altai.
Si le cœur du programme était donc de contribuer à la définition de ce que pouvait être une tombe Türk en sollicitant l’ensemble des approches archéologiques (approche stratigraphique, bioarchéologique, artefacts en matière organique), le projet a largement été modifié et consiste désormais plus largement à proposer une meilleure lecture de l’occupation du territoire de l’Altaï mongol par l’ensemble des populations qui l’ont occupé.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’aborder les structures Türks dans leur environnement topographique, incluant la prise en compte de tous les monuments à leur contact ou situés à proximité, qu’ils soient plus anciens ou plus récents. La zone archéologique de Burgast est à ce sujet idéale puisqu’elle présente la particularité d’être densément pourvue en structures archéologiques et son extension est contrainte par une rivière d’une part et un massif rocheux d’autre part qui limite donc l’espace d’intervention. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité fouiller cette année le grand kerigsur présent dans la partie est de la terrasse, la tombe centrale, les structures satellites, un monument, probablement contemporain, ainsi que plusieurs monuments et tombes du premier millénaire.
Cette année, un autre objectif de notre mission concerne les pratiques d’élevage et la question du mode de vie des populations anciennes. L’anthropologie a en effet montré que loin d’être un système figé, le pastoralisme mongol s’adaptait continuellement aux contextes politiques, socio-économiques et environnementaux. Les programmes de fouilles archéologiques menés récemment ont également démontré que la réponse aux difficultés liées à l’environnement steppique et au climat hyper-continental (rigoureux et irrégulier) avait pu varier selon les époques, présentant des systèmes agropastoraux sédentaires, semi-sédentaires ou nomades. La compréhension des mécanismes impliqués dans l’évolution de la dynamique du pastoralisme mongol nécessite donc d’adopter une démarche historique et de s’intéresser aux relations homme-animal dans le passé. Cette archéologie de la mobilité, si délicate à percevoir, se trouve au cœur de notre démarche. Pour cela, nous nous appuyons notamment sur la géochimie isotopique, qui est utilisée avec succès en archéologie depuis plus de vingt ans pour retracer les traits de vie des animaux. Mais l’interprétation fine des profils isotopiques réalisés le long des tissus à croissance continue (poil, corne) ou prolongée (émail dentaire) nécessite la mise en place d’un référentiel local constitué d’animaux dont les parcours sont connus avec précision. Dans ces régions, les troupeaux sont rarement gardiennés en continu, ce qui rend un suivi humain difficile. Par ailleurs, certaines espèces comme le cheval peuvent pâturer sans aucune surveillance durant plusieurs jours à plusieurs semaines, si bien que les éleveurs peuvent n’avoir qu’une connaissance approximative des parcours. Un financement PEPS de l’INEE obtenu en 2015 par A. Zazzo et S. Lepetz nous a permis de financer l’achat de 12 colliers GPS capables de transmettre quotidiennement, et avec une fréquence d’un point toutes les 2 ou 13 h, les coordonnées GPS des animaux domestiques (chèvre, mouton, cheval) pendant un an. Un financement MNHN nous a permis en 2016 d’acheter d’autres colliers que nous avons posés sur de nouveaux animaux en septembre 2016. L’objectif de la mission était donc (1) de poursuivre les entretiens avec les familles d’éleveurs sur leurs pratiques d’élevage (2) de poser les colliers sur les animaux (3) de procéder au prélèvement des tissus (poils, cornes et dents) sur les animaux de l’an passé (4) de procéder au prélèvement de plantes sur les zones de pâturage.

Déroulement de la mission
La mission de fouille de cette année a eu lieu du 1er septembre au 1er octobre 2016. L’équipe était composée de 26 personnes : S. Lepetz (responsable de la mission, HDR, DR, CNRS), V. Bernard (CR CNRS, archéologue, dendrologue), A. Zazzo (HDR, DR CNRS, géochimiste), C. Marchina (ethnologue), Joël Suire (IR CNRS, topographe), D. Joly (Archéologue, Dir. du Service archéologique de Chartres), B. Noost (Archéologue, Institut d’Archéologie), de 9 fouilleurs mongols (dont plusieurs sont des étudiants en archéologie à l’Université d’Oulan Bator). L’équipe s’est étoffée cette année avec la présence de Mathilde Cervel, Doctorante EPHE en anthropologie, section Histoire, Texte et Document, Laboratoire AOROC, UMR 8546 CNRS-ENS, Florent Minot (Master 2, Université de Strasbourg), Morgane Heurtebis (Master Pro, Université de Nantes), Pauline Jaccard (Master 2 Anthropologie Biologique, Université de Bordeaux), Romain Visonneau (Master, Université de Paris I), Vincent Thérouin (Master, Université de Paris IV). La fouille proprement dite s’est accompagnée d’une mission d’enquête anthropologique menée par C. Marchina et d’un travail de pose de colliers GPS sur des animaux vivants de trois éleveurs ainsi que d’un travail de prélèvements (poils, sol, eau) en vue d’analyses géochimiques, menées par A. Zazzo et Nicolas Lazzerini. Enfin, il faut aussi compter dans le groupe une cuisinière, une aide cuisinière et le chauffeur du véhicule